Sitemap WELA © / ADAGP © All Rights Reserved Copyrights
WELA
Dans la riche et complexe polyphonie plastique signée Wela (Elisabeth Wierzbicka), l’amateur de dessin est d’abord comblé : Wela aime visiblement dessiner, et elle est à l’aise dans les plus grands formats comme en a témoigné récemment son installation Mémoires fuyantes dans le cadre de « La promenade dans l’art d’aujourd’hui » organisée à Auvers-sur-Oise en 2009. Un vaste travail à l’acrylique, charbon et mine de plomb en formait le fond, centré sur un chien en pleine course (peut-être venu des travaux photochronographiques de Muybridge) avec, de part et d’autre, un jeu d’équilibre entre plages claires et larges morsures de noir intense. Des dessins à la mine de plomb avaient précédemment travaillé la figure humaine en 2001 : en l’occurrence une figure souffrante, torturée, écrasée qui serait suivie, de 2005 à 2009 par des cycles (Connexions, Les Méandres, Dessins obsessionnels) qui, malgré leur caractère abstrait, exprimaient tous une tension insupportable, une douleur sans limite.
Sur la base de cet univers empreint d’une évidente gravité, Wela développe sa problématique dans la troisième dimension, de telle sorte que ses installations prennent en compte les « relations qu’entretiennent entre eux sur le plan philosophique la frontière entre l’objet et le non-objet, l’intérieur et l’extérieur, et sur le plan visuel, les relations entre l’espace bi et tri-dimensionnel ». L’artiste vise la représentation de cette tension « entre la trace et le plan vide du fond » en intégrant des éléments divers, voire contradictoires.
C’est ainsi que, en 2006, elle a notamment réalisé pour le festival des Arts de la Rue de Sotteville-lès-Rouen une installation, Passage suspendu, qui proposait une co-création aux spectateurs : celle de la réalité virtuelle du dessin, du temps et de l’espace. Il s’agissait d’un espace ouvert formé de deux parois cylindriques en forex (6 m x 4 m) dans lequel Wela avait dessiné à la mine de plomb. Au centre du cylindre, une colonne tournante en acier poli-miroir reflétait à la fois son dessin et l’environnement extérieur lui-même perturbé par la présence du spectateur. Le mouvement perpétuel de la colonne et les passages des visiteurs créaient une infinité de variations dépendant des positions relatives de chacun des éléments du dispositif, spectateur compris. Ce dernier était ainsi invité à réfléchir sur les pouvoirs de l’art et, qui sait, à se sentir artiste lui-même. Wela avait ainsi atteint son but.
Ileana Cornea, Critique d’art , Paris, Septembre, 2001
Critiques
WELA, hors des lignes
Lignes et traits, formes et couleurs parfois, l’œuvre de Wela nous surprend d’abord, car contre toute attente, nous sommes en présence… de papier et de crayon. Wela dessine, depuis toujours, perpétuant ainsi la traditionnelle excellence pour les arts graphiques des artistes venant de l’Est de l’Europe. Aux Beaux-arts de Cracovie, au cœur de sa Pologne natale, Wela étudia donc la peinture, la sculpture, tout comme la gravure, et le dessin.
Mais après quelques détours par la gravure –qu’elle pratique toujours à l’occasion-, l’art de la mine de plomb l’emporte sur les autres formes d’expressions, privilégiant la liberté, la spontanéité du geste créatif et le contact direct avec la matière. Wela choisit la simplicité du trait noir sur le blanc du papier, auquel vient parfois s’ajouter un ocre profond, en même temps que la puissance des lignes, travaillées dans l’épaisseur, denses, profondes. L’artiste sait à merveille en entretenir la tension dramatique : fluides ici, là enchevêtrées, précises parfois, floues jusqu’à l’effacement, ailleurs. Sur la surface plane, le dessin prend toute sa matérialité, et l’on pressent le rapport organique, charnel, qu’elle entretient avec lui.
Loin d’être anecdotique, confiné aux travaux préparatoires ou aux fonds d’atelier, le dessin se déploie alors dans des dimensions spatiales et poétiques inhabituelles. Car tandis que celui-ci connaît aujourd’hui un renouveau, et un regain d’intérêt, le travail graphique de Wela s’inscrit avec force dans une volonté très contemporaine de montrer le dessin autrement.
D’abord le sortir du cadre, au propre comme au figuré ! Des polyptiques où le dessin se poursuit de tableau en tableau à ses œuvres les plus monumentales, Wela porte le dessin ailleurs, autrement, le descend des cimaises, l’extrait de l’exiguïté de la galerie. Le voici tridimensionnel, sculptural. Le voici s’invitant dans l’espace public, haut de six mètres, multiplié en cinq cent colonnes, accroché aux arbres ou flottant au vent ! On ne regarde pas une œuvre de Wela, on y pénètre, on s’y engage. Ses installations puisent sans ambiguïté dans le mythe de « l’œuvre totale », dans le désir de l’artiste de produire des univers immergents, l’espace d’un instant. Naissent ces « œuvres à vivre », dans lesquelles les spectateurs sont pris à parti, invités, enveloppés.
Ainsi l’impressionnant « Passage suspendu », où, pénétrant dans le dessin, dont l’image se répète, se déforme, se diffracte grâce à une colonne d’acier que l’on peut tourner sur elle même, le spectateur devenu acteur entre dans un monde aux contours inconnus et mouvants. Un monde fictionnel, bien que non narratif, un monde imaginaire, au sens propre, intrinsèquement lié à la sensibilité, celle d’une perception à la fois libérée et hypnotique.
Wela aime en effet à emmener le spectateur dans un entre-deux, subtil déséquilibre entre réalité et irréalité, présence et fugacité, décomposant la vision pour mieux la recomposer.
Ainsi ses colonnes -forme récurrente chez Wela-, à la verticalité visuellement très suggestive, composent des installations combinatoires ouvrant sur des manières nouvelles d’expérimenter l’œuvre dans le déplacement. Amenant le spectateur à se promener dans le dessin, Wela lui offre le moyen de créer perceptions, perspectives et points de vue nécessairement inédits : la déambulation se fait appropriation de l’œuvre, le contexte se mue en subjectivité. Il y a chez Wela une sorte de générosité, un sens du partage, dans cette manière qu’elle a, au travers de ses œuvres métaphores, d’inviter à une interprétation vécue, ressentie.
Car la démarche de Wela ne saurait se réduire à une poétique de la forme. Certes le dessin est plutôt abstrait, dans le mouvement et l’impression davantage que dans la figuration – parfois, Giacometti dessinateur n’est pas loin-, jouant sur les contrastes, les formes, les plans et les espaces. Mais tout cela est sous-tendu par une densité, une épaisseur émotionnelle, une sorte de sérénité emprunte d’une mélancolie qu’on pourrait parfois prendre pour de la solennité mémoriale, mais on aurait –un peu- tort.
Installations urbaines ou environnementales, architecturales ou sculpturales, parfois en contrepoint de la nature…Le charme opère. Avec, au fond, une assez belle économie de moyen et un remarquable sens de la mise en espace, Wela parvient à montrer le dessin, dans une troisième dimension complètement novatrice, et toujours profondément intelligente, efficace, et poétique.
Marie Deparis, Critique d’art, Paris, avril 2007, catalogue « Wela - artiste visuel », 2011
Le Mouvement dans l'espace, l'équilibre et la poursuite dans les mémoires entre théâtralité et lyrisme sont les aspects les plus personnels de cette artiste.
La mémoire est ici le jeu du corps dans le corps même de l'espace. Dans cette entité, volume et surface empruntés à la peinture et au théâtre, entrent dans une lutte du geste et du temps en fragments de silences (silences qui prennent ici des allures de blanc froissé, comprimé, intériorisé) l'univers d'Elisabeth Wierzbicka (WELA) est en perpétuelle extension. Jamais fini, fragile, en déséquilibre, mais reconquis aux moments ultimes, lutte poursuivie jusqu'au bout, à bras le corps, au corps à corps, déchirée, raclée jusqu'à la limite même d'un cri qui se veut maîtrisé, mais jamais confisqué au profit d'une belle esthétique, uniquement.
Il se passe ici quelque chose de très fort. Peut-être tragique mais jamais morbide... Une lutte de la vie, pour la vie du combat mis en œuvre, d'où se dégage une puissante énergie qui n'a pas finie de nous surprendre.
Bernard Billa, Chargé de mission en Arts plastiques, Centre Culturel, Beauvais, avril 1998
WELA
Dans la riche et complexe polyphonie plastique signée Wela (Elisabeth Wierzbicka), l’amateur de dessin est d’abord comblé : Wela aime visiblement dessiner, et elle est à l’aise dans les plus grands formats comme en a témoigné récemment son installation Mémoires fuyantes dans le cadre de « La promenade dans l’art d’aujourd’hui » organisée à Auvers-sur-Oise en 2009. Un vaste travail à l’acrylique, charbon et mine de plomb en formait le fond, centré sur un chien en pleine course (peut-être venu des travaux photochronographiques de Muybridge) avec, de part et d’autre, un jeu d’équilibre entre plages claires et larges morsures de noir intense. Des dessins à la mine de plomb avaient précédemment travaillé la figure humaine en 2001 : en l’occurrence une figure souffrante, torturée, écrasée qui serait suivie, de 2005 à 2009 par des cycles (Connexions, Les Méandres, Dessins obsessionnels) qui, malgré leur caractère abstrait, exprimaient tous une tension insupportable, une douleur sans limite.
Sur la base de cet univers empreint d’une évidente gravité, Wela développe sa problématique dans la troisième dimension, de telle sorte que ses installations prennent en compte les « relations qu’entretiennent entre eux sur le plan philosophique la frontière entre l’objet et le non-objet, l’intérieur et l’extérieur, et sur le plan visuel, les relations entre l’espace bi et tri-dimensionnel ». L’artiste vise la représentation de cette tension « entre la trace et le plan vide du fond » en intégrant des éléments divers, voire contradictoires.
C’est ainsi que, en 2006, elle a notamment réalisé pour le festival des Arts de la Rue de Sotteville-lès-Rouen une installation, Passage suspendu, qui proposait une co-création aux spectateurs : celle de la réalité virtuelle du dessin, du temps et de l’espace. Il s’agissait d’un espace ouvert formé de deux parois cylindriques en forex (6 m x 4 m) dans lequel Wela avait dessiné à la mine de plomb. Au centre du cylindre, une colonne tournante en acier poli-miroir reflétait à la fois son dessin et l’environnement extérieur lui-même perturbé par la présence du spectateur. Le mouvement perpétuel de la colonne et les passages des visiteurs créaient une infinité de variations dépendant des positions relatives de chacun des éléments du dispositif, spectateur compris. Ce dernier était ainsi invité à réfléchir sur les pouvoirs de l’art et, qui sait, à se sentir artiste lui-même. Wela avait ainsi atteint son but.
Jean-Luc Chalumeau, Critique d’art, membre d’AICA - France, historien de l’art, Paris, janvier 2010,
Mémoires Fuyantes
Dans notre imaginaire contemporain, un artiste doit valoriser sans cesse le caractère de son discours plastique, pour la mettre en scène le prolongement qui réjouit notre passion intérieure pour la peinture, et laisser sa trace. Elisabeth WIERZBICKA (WELA) est de ces artistes. Dans sa peinture, elle nous amène vers des moments d’exaltation et nous invite à adopter la simplicité du geste comme une réponse paradoxale, dépouillée dans l’effacement même de sa fascinante harmonie. De nouvelles formes de contraintes poétiques se retrouvent et sont remuées par l’alliance enthousiaste où se nouent des masses et de lignes, et des formes plus légères et spatiales : continuité avec le développement de l’expérience propre de la vigueur d’un passé composé, devenant un territoire calme et tranquille par sa composition. Mélanges de multiples univers composites où la communion de forces se ballade à la recherche d’un espace plus ouvert, abandonnant dans son parcours, le traces de la tempête de la peinture. Une nouvelle force mise en jeu qui renonce à sa condition dernière. Dans sa peinture, Elisabeth WIERZBICKA nous livre, sous forme de réflexion, autant d’éléments réfléchissants qui laissent ouverte la possibilité de passer de la trace-terre à la trace espace-univers. Un seul et même esprit qui continue son violent voyage intérieur. Ainsi, le geste et la couleur, pris dans ce mouvement qui la déforme, va devenir plus libre et être dirigée, contrôlée en même temps qu’elle se déchire pour dominer la course fascinante de sa force créatrice.
La peinture d’Elisabeth WIERZBICKA s’inscrit, ainsi, dans le nouvel expressionnisme, de par sa force et son aptitude à décrire. La volonté de réaffirmer des valeurs contemporaines : une peinture qui échappe à la fantasmagorie en touchant effectivement la vision du spectateur critique comme un simulacre dans l’énigmatique sens de la beauté. Des tableaux à huile, d’autres à la mine de plomb, des gravures font partie de l’alliance artistique qui se rajoute à l’imaginative et talentueuse vision plastique qui anime l’artiste et que nous découvrons comme le regard passionné de sa mémoire explosive : départ vers l’espace de ces formes et de ces couleurs, dans un luxuriant voyage de lumières éclatantes, et obliques, théâtre d’ombres, devenu univers endormi et calmé, pour laisser les traces d’une symphonie poétique en communion avec le geste et la couleur, dans la plénitude de ses mémoires fuyantes.
Dans le développement de la peinture et du discours d’Elisabeth WIERZBICKA, nous prenons conscience du témoignage qu’elle veut donner à la liberté de l’esprit : l’histoire et la passion s’éclairent pleinement aux yeux critiques, et par un étonnant et lucide résultat de la trace, nous change du rythme, comme un retour de l’action enchaîné à d’autres histoires qui choisissent de s’entrevoir à travers les effets engendrés par une double transformation qui modifie sa rayonnante influence spatiale : vision morale d’un monde dans son idéal de liberté. On participe aussi d’une vision plus dominée par cet idéal poétique avec la dispersion, grâce à son indiscutable liberté de s’intégrer et de saisir le réel : témoignage qui impose la recherche de sacrifier les nécessités absolues, par la peinture.
La Grande Colonne Ouverte, exprime, dans son contexte, le temps divisé, le non-réel ; caractère virtuel, abstrait qui, à travers ses propres nuances, accompagne l’éventuel futur dans l’accomplissement de la mémoire fuyante. Cet ensemble de « colonnes ouvertes » permet la communication et l’élargissement de la recherche écrite, par trace, où elles vont être contemplées comme dans une seule et monumentale sculpture. On peut ici, mieux comprendre la démarche plastique d’Elisabeth Wierzbicka, car la proposition conditionnelle produit une association de musique spatiale, lui permettant d’assembler la peinture et le dessin sur carton, dans une grande et profonde partition symphonique. Ainsi, l’œuvre de cette artiste, qui se cherche toujours, nous semble projeter la vision évidente d’un poème spirituel peint : le témoignage tranquille où la fragilisation de l’image voudrait choisir de s’inscrire dans l’héritage universel.
Issac ORTIZAR, Critique d’art, membre d’AICA - France, Paris, mars 1996